Vacances en famille : que du bonheur ?/pour que les retrouvailles riment avec bonheur

Chaque été, c’est la même chose. On se réjouit à l’idée de cohabiter dans la grande maison familiale avec nos parents, frères et sœurs, cousins et neveux… Mais une fois la tribu reconstituée, les tensions ressurgissent, malgré les bonnes intentions. Une fatalité ? Bien sûr que non, répondent les psys.

 

Cet été, nous sommes 56% à partir en vacances. Pour 48% d’entre nous, la destination est toute trouvée : chez des amis ou la famille (1) !  Et la crise n’explique pas tout. 81% des Français considèrent que les moments qu’ils préfèrent sont ceux passés avec leur famille… pour partager avant tout de la joie et de l’émotion (2). « Ces vacances, on les attend durant toute l’année comme une parenthèse enchantée, observe la psychothérapeute Catherine Dupont, auteure de « Renoncer à la dépendance affective » (Josette Lyon). Fini le stress du travail et de l’école et vive les retrouvailles avec ceux qu’on aime ! Notre déception peut alors être à la mesure de notre surinvestissement ». Enfants énervés, tire-au-flanc qui refusent  de faire la vaisselle, grands-parents âgés qui deviennent une charge… L’image d’Epinal en prend un sacré coup ! « D’autant que, les contraintes disparaissant, on cesse d’être en pilotage automatique, poursuit Catherine Dupont. C’est donc souvent un temps de lâcher prise durant lequel nous sommes en prise directe avec nos proches mais aussi avec nos envies, nos angoisses. Le travail, nos rituels quotidiens ne font plus barrière. » D’où une période à haut risque ! « L’été dernier, nous étions une bonne vingtaine à nous retrouver à vivre sous le même toit, à la demande des enfants qui voulaient « faire famille », se rappelle Macha, 38 ans, mère de deux adolescents. Quatre générations se sont côtoyées : des grands-parents aux arrière-petits-enfants. Les prises de tête ont commencé avec la distribution des chambres : mon frère s’est octroyé la plus calme, avec la bénédiction de ma mère, alors qu’il a le métier le moins prenant et que moi, j’ai vraiment besoin de me reposer. Ma sœur, elle, qui ne jure que par le bio et l’homéopathie, a fait une obsession sur les courses dont le budget a explosé ! Quant à mes parents, ils ont tiqué sur les horaires des repas, trop tardifs pour eux, et reproché aux ados leur utilisation intensive du Smartphone. » « Au moment où l’on forme un couple puis une famille, on crée un nouveau clan, y compris au sein de la même famille, avec sa culture, ses règles et ses habitudes souvent implicites, analyse Eric Trappeniers, psychothérapeute du couple et de la famille, auteur de Se libérer des souffrances familiales » (InterEditions). L’extérieur nous confronte à la différence ? Un conflit peut alors surgir entre notre façon de vivre et celle d’autrui, surtout lorsque l’un va essayer de faire adopter sa façon de voir les choses à l’autre pour qu’il obtempère : « Je pense que cela serait mieux si l’on faisait comme cela ». »


Préserver ses avantages acquis

Ces règles de fonctionnement ont bien sûr directement à voir avec nos valeurs. Si, par exemple, vous vous percevez comme une maman nourricière, cela ne vous gênera pas de vous lever de table plusieurs fois de suite pour subvenir aux besoins des uns et des autres… mais horripilera votre sœur qui prône la parité dans le couple ou l’autonomie des enfants ! Mais à défaut de faire consensus, ne se réjouit-on au moins d’être accepté pour ce que l’on est, sans crainte d’être jugé ? Nathalie, 48 ans, chef de projet, n’est pas de cet avis : « Un été, mes frères et sœurs se sont foutus de moi car je ne suis pas parvenue à faire du café correctement, j’avais 8 ans ; à 10 ans, j’ai acheté 50 tranches de jambon à cause d’une rature sur la liste de courses et à 18 ans, j’ai raté mon permis, que j’ai eu à la seconde tentative. Autant de « bourdes » qui me valent aujourd’hui une réputation indécrottable d’artiste rêveuse et les mêmes blagues en vacances depuis 40 ans, alors que je me débrouille parfaitement toute seule avec mes trois enfants depuis mon divorce ! J’ai bien essayé de leur prouver à tous que j’étais autonome mais j’ai fini par baisser les bras. Au lieu de râler, je ronge mon frein. » « Les vacances en famille représentent un terrain familier, surtout lorsqu’elles se déroulent dans la maison où la fratrie a grandi, observe le psychothérapeute. Chacun retrouve naturellement le rôle qu’il avait étant petit, sa place d’origine (par exemple d’aîné responsable ou de petite dernière gâtée)… et ses manques, ses envies, ses aigreurs. C’est que, dans de nombreuses familles, le temps paraît suspendu : les enfants ne voient pas leurs parents vieillir (« Ils ne savent plus nous recevoir », « Ils s’occupent moins de leurs petits-enfants »), et ces derniers ne voient pas leurs enfants grandir ! » C’est la raison pour laquelle belles-mères et belles-filles ont bien souvent du mal à s’entendre. Pas facile de voir son conjoint régresser en présence de sa mère et accepter d’être un petit garçon au garde à vous ! « Certains hommes iront même jusqu’à ne pas prendre la défense de leur compagne lorsqu’elle est attaquée, rapporte Eric Trappeniers. Surtout lorsque celle-ci ne correspond pas au modèle souhaité par la famille d’origine… » Mais tout serait-il donc de la faute de nos proches, incapables de s’adapter à la personne que nous sommes devenue ? « Pas seulement, répond Catherine Dupont. Les étiquettes ont ceci de confortable qu’elles nous dispensent d’une remise en question parfois inquiétante. Car si l’on n’est plus ce que nos proches ont décidé pour nous, que nous reste-t-il ? »

 

Tous masos ?

On l’aura compris : le cadre agréable et la joie des retrouvailles (« Le principal, c’est d’être ensemble ! ») ne suffisent pas à aplanir toutes les difficultés.  Pourquoi, alors, signer, une fois de plus, pour un nouvel été qui promet de ne pas être de tout repos ? « Nous ne voyons pas si souvent que cela nos parents dans l’année, et ils ne seront pas toujours là, explique Claire, 52 ans. Comme mes frères et sœurs descendent les voir cet été, je me sens aussi obligée d’y aller. Je ne veux pas passer pour la fille ingrate ! »  « Un enfant, quel que soit son âge, se refuse d’être étiqueté comme le mauvais enfant, justifie Catherine Dupont. Beaucoup même se croient obligés de redevenir l’enfant obéissant, serviable… qu’ils se sont toujours efforcés d’être pour plaire à leurs parents, surtout quand ils sont toujours en quête d’amour et de reconnaissance. » « On cherche aussi inconsciemment à valider ses croyances profondes, avance Eric Trappeniers. A commencer par la première : « Décidément, mes parents ne changent pas ! ». Si vous êtes profondément convaincu qu’ils préfèrent votre frère, vous n’allez pas pouvoir vous empêcher d’aller vérifier à la moindre occasion que c’est vraiment injuste d’être traité comme ça ! ». Un avis complété par Catherine Dupont : « Cela fonctionne comme ça dans tous les domaines : tant qu’on n’a pas résolu quelque chose, on y retourne toujours, pour tenter de le solutionner ! Les adultes qui n’ont pas réglé leurs comptes avec leurs parents ou leurs frères et sœurs cherchent, dans ce schéma de répétition, à réécrire le passé. » Mais, alors, qu’est-ce qui pourrait nous faire opter pour des vacances différentes quand elles ne semblent pas répondre à nos promesses ? « Lorsque la situation est trop pesante pour vous et que les inconvénients l’emportent largement sur les bénéfices, il peut être salutaire de faire une « pause famille », répond Catherine Dupont. Dès lors qu’on essaie de changer, on rentre dans l’inconnu, ce qui fait très peur. Il faut donc être très motivé ! » Mais si vous parvenez à accepter la réalité telle qu’elle est, en goûtant les bons moments et en essayant de prendre les moins bons avec recul, voire avec humour, alors inutile de changer de cap !

Valérie Josselin

 

Encadré

Pour que tout se passe au mieux…

Faites le premier pas, au lieu d’attendre que l’autre change.

Dans une relation, on est deux, rappelle Eric Trappeniers. Le moindre petit changement dans votre comportement va nécessairement appeler une autre réponse de la part de votre interlocuteur ! ». Ce qui nécessite de faire d’abord le ménage en vous ! Vous ne pouvez pas encadrer votre belle-sœur ? « Réfléchissez en quoi cette personne touche quelque chose d’insupportable ou de sensible chez vous, conseille le psychothérapeute. Vous ne direz plus alors : « Je déteste ma belle-sœur » mais « Ma belle-sœur me rappelle quelqu’un avec qui j’ai eu des problèmes ». Et cela change tout ! »

• Utilisez la technique de l’édredon.

Si votre mère vous critique ou vous fait la morale (en éducation, par exemple !), répondez calmement : "C'est possible", "Tu es libre de le penser", « C’est intéressant mais je ne vois pas les choses comme toi ».... Imaginez que vous êtes protégé par une sorte de bouclier mou : rien de tel pour la désarçonner et amortir son agressivité !

 

• « Traduisez vos attentes en demandes tranquilles : « Cela me ferait plaisir que… mais si tu ne peux pas, je m’arrangerai autrement. »

Si la pression est trop forte, les autres ne pourront ou ne voudront pas y répondre, met en garde Catherine Dupont. Ils s’arrangeront alors pour faire le contraire et vous serez forcément déçu ! »  

• Octroyez-vous des moments rien qu’à vous.

Toute manifestation d’agressivité est le signe d’un besoin non satisfait, nous apprend la communication non violente. Vivre, se comporter en adéquation avec ses valeurs ou ses besoins profonds est sans aucun doute le secret des relations fluides et sereines avec les autres. Plus vous vous autoriserez à vous faire plaisir et plus les petites contrariétés glisseront sur vous comme une goutte d’eau sur une toile cirée ! « Si vous avez besoin de repos, par exemple, n’attendez pas de votre entourage qu’il prenne tout le quotidien en charge, conseille Catherine Dupont. Faites plutôt preuve de créativité : faire appel exceptionnellement à un traiteur, aller bouquiner à la terrasse d’un café… »

Fixez vos limites

Non, vous ne cuisinerez pas tous les soirs; oui, vous vous lèverez parfois après tout le monde ! Les grandes tablées, c’est sympa mais épuisant ! L’intendance ne doit pas revenir qu’à une seule personne. Le premier jour, pensez à réunir la famille et à négocier tous ensemble (en fonction des compétences de chacun, enfants compris) des tours de courses, de vaisselle, d’aspirateur, d’arrosage de la pelouse… Parlez aussi clairement d’argent (sauf si vous invitez) : caisse commune ou courses à tour de rôle ? Qui paie quoi ?

• Respectez la liberté de chacun

Les vacances en famille ne doivent pas tourner au huis clos. Chacun doit pouvoir vivre un peu sa vie ! La bonne solution ? Se retrouver en famille à heures fixes, lors de moments forts par exemple, comme les repas ou les veillées. Et c’est valable pour les enfants aussi, soumis comme les adultes à la pression et au stress durant l’année ! Alors oui à la liberté … encadrée !

Prévoyez des temps courts.

Mieux vaut ressentir le manque en partant que la saturation ! Pour ne pas faire de jaloux, on peut partir une semaine du côté maternel et une semaine du côté paternel. Dans tous les cas, pensez à booker dans votre agenda quelques jours de tête à tête privilégié avec votre conjoint et vos enfants. Remplir votre devoir de (belle) fille passera après !

 

(1) étude Coach Omnium, réalisée du 1er au 8 avril auprès de 1.066 personnes âgées de plus de 18 ans.

(2) Etude IPSOS réalisée fin décembre 2010 pour Disneyland Paris en France et dans 5 autres pays européens, auprès de 1000 individus âgés de 16 à 64 ans dans chaque pays.